Certaines morts n’ont pas de mots. Par Doriane THIFFAULT-LAJEUNESSE

Une fatalité
L’individualisme peut être critiqué de bien des manières, pourtant une chose est sûre: cette conception de la société
attribue à chaque individu une importance et une valeur propre. C’est dans ce courant de pensée qu’on revendique à
toute personne, restreinte dans les possibilités de la loi, le droit de choisir. En effet, l’autonomie est un des idéaux
les plus importants pour l’homme moderne. Très tôt dans leur vie, les enfants cherchent à s’émanciper des parents, à
prendre leurs propres initiatives. Il en est de même tout au long de notre vie; nous considérons primordial
de prendre les décisions qui concernent notre existence.  Certaines d’entre elles sont incontestablement plus difficiles à prendre que  d’autres. Au fil des ans, la nature de celles-ci changent: plusieurs épreuves cognent à
nos portes et nous surprennent. L’épreuve ultime  de tout être humain, sans aucun doute la plus
effrayante, reste la mort.
Être ou ne pas être 
Il peut alors nous paraître inadmissible, voire même inconcevable, que certaines personnes en fin de vie
renoncent à se battre contre leur maladie. Souvent, ces personnes sont dans l’incapacité d’énoncer leur désir de
continuer ou non à maintenir leur état stable, mais dans l’agonie. Il revient alors aux proches de décider, si la
personne inapte n’avait pas au préalable fait part de directives anticipées (et même encore là). En tous les cas, il est rare que la
famille opte pour l’arrêt des soins, et même s’ils le font, ce sont de longues procédures complexes que d’arrêter les
traitements sans le consentement direct de la personne souffrante. Alors, dans le but de la garder en vie,
certains médecins exerceront ce qui est appelé «l’acharnement thérapeutique». Même si le patient a un diagnostic de mort
irrémédiable ou une mince chance de rémission, les traitements sont poursuivis pour prolonger la vie. C’est à
cet instant que la question doit se poser: le fait de vivre se réduit-il aux simples battements du coeur? Quand vivre est
synonyme de souffrir, ne peut-on pas permettre aux malades une mort brève et sans intrusion médicinale excessive?
Au Québec, le code civil stipule effectivement que chaque patient a le pouvoir décisionnel absolu sur les soins qui lui sont
prodigués. Il a donc le droit de les refuser, même si ceux-ci le  maintiennent en vie. Pourtant, selon le code criminel du
Canada, l’euthanasie ou le suicide assisté sont passibles d’emprisonnement. Ces mesures considérées, ce sont
présentement les programmes de soins palliatifs qui sont administrés aux personnes en fin de vie.
La sédation palliative
L’utilisation de cette pratique, en soins palliatifs, fût l’élément déclencheur à la remise en
question sur l’interdiction de l’euthanasie. Bien sûr, celle-ci ne met fin à aucun des traitements, justement elle les
éternise jusqu’à une mort douce vécue dans l’inconscience. Plus clairement, les médecins endorment le patient par
intermittence ou bien en continu, lorsque la douleur de celui-ci devient insupportable. C’est alors que la citation
célèbre de Nietzsche perd tout son sens. Dans l’enchaînement  de souffrances physiques intolérables, alors qu’on gave
sans répit ces personnes de médicaments pour y pallier; dans ce cas là, ce qui ne nous tue pas nous rend plus faible.

http://www.assnat.qc.ca
http://www.soin-palliatif.org/

Et si l’Afrique (2). Par Alan VOLANT

Lorsque l’on désire regarder vers l’avenir du continent africain, rien de plus
difficile que d’apercevoir une éclaircie, médisent certains. Pourtant, en y
regardant un peu plus attentivement, on peut apercevoir certaines pépites briller
(et pas seulement celles extraites par les minières canadiennes). La pépite
choisie pour cette édition est une de celles qui resplendit le plus à bien des
égards, j’ai nommé le Botswana
Littéralement « pays des Tswanas », cet État du Commonwealth fait office
depuis plusieurs décennies de modèle et ce, dans cette même Afrique où l’on
croit la dictature être une norme. Alors que certains État voisins font
effectivement exemple par leur autoritarisme (à l’instar du Zimbabwe), le
Botswana a préféré pour sa part le chemin inverse. Indépendant de la Couronne
britannique depuis maintenant près de cinquante ans, cette petite République
d’Afrique Australe – d’à peine 2 000 000 d’habitants – a su réussir une
quasi-parfaite transition démocratique. Bien que gouverné depuis la première
élection par le Parti Démocratique du Botswana, le pays reste reconnu pour sa
capacité à tenir ses scrutins à l’heure et dans la transparence la plus absolue.
Outre le fait que l’État de droit semble être un acquis pour la population locale, le
Botswana est également reconnu comme le pays le moins corrompu d’Afrique. En
effet, Transparency International, ONG traquant la corruption à travers le monde,
décerne ce titre au pays de manière répétée ce depuis des années.
La manifeste réussite politique du Botswana n’aurait peut-être pas été ce
qu’elle est sans sa réussite économique. Considéré comme un État pauvre au
même titre que l’immense majorité des pays africains lors de leur décolonisation,
le Botswana s’érige désormais en modèle de gestion intelligente concernant ses
ressources naturelles (et leurs retombées économiques). Si l’on entend souvent
parler de malédiction de la dette, avec en tête les événements paroxystiques de
Sierra-Leone autour des diamants de conflits, on ne peut que saluer ici
l’excellente gestion des différents gouvernements quant à la rente des diverses
ressources minières. Principale source de revenus du pays avec 48% du PIB, les
ressources minérales sont au coeur de l’économie du pays avec le chiffre
déroutant de 75 % lorsque l’on parle des diamants à l’export. Le taux de
croissance moyen étant de 9% sur les 40 dernières années, le pays a su se sortir
de la pauvreté pour se hisser au niveau des pays dits intermédiaires et ce comme
l’indique son IDH tournant autour de 0.6.
Cela étant dit, tout n’est pas parfait chez les Tswanas et un rapide tour d’horizon
s’impose pour s’en convaincre. La principale ombre au tableau reste au fil des
années le taux de personnes séropositives (un peu moins de 35% chez les 15-64
ans) et ce malgré les efforts répétés de la part des autorités. Le second problème
concerne lui l’économie du pays. S’il est exact que l’extraction minière
représente une source de revenus extraordinaire, ses effets sur le marché de
l’emploi le sont beaucoup moins. Le secteur n’emploie malheureusement que 5%
de la main d’oeuvre disponible. Ceci couplé à un échec répété de diversification
économique on comprend mieux pourquoi le chômage tourne de façon chronique
autour des 20%.

Sources : Banque africaine de développement, OCDE

Les crises européennes. Par Dragos LEACH

Plus qu’une crise économique, l’Europe a vu un malaise social prendre de l’ampleur,
et ce, depuis 2008. Il est ici question de l’importante montée de l’extrême droite
ainsi que du discours ultra-nationaliste en Europe. À première vue, il serait facile de
pointer du doigt les pays qui ont eu le plus à perdre durant la crise économique,
nous pensons vite à la Grèce et à l’Espagne, mais le problème est de toute autre
nature. Outre le fait que ces deux pays ont un modèle administratif clientéliste qui
fait en sorte que la fonction publique n’est pas peuplée de fonctionnaires
méritocratiques, ces deux États-membres de l’Union Européenne (UE) ont des taux
de chômage de 29,8% et 26,4% respectivement en date du 1er juillet 2013 (1).
Suite aux impacts de la crise, la mise en oeuvre de politiques d’austérité n’a fait
qu’allumer les sentiments nationalistes à travers l’Europe entière. Que l’on soit en
France, en Grèce, ou même en Allemagne, on remarque une certaine similitude
dans les discours populaires lorsqu’on demande aux gens à qui doit revenir l’entière
responsabilité des situations difficiles qu’ils vivent. Dans presque tous les cas, on
vise principalement les immigrants et l’UE.
L’Union européenne a été basée sur une construction communautaire économique
qui, suite au traité de Maastricht en 1992, est devenue également une union
politique, sans toutefois que les gouvernements communautaires soient des
gouvernements supranationaux. Les intérêts nationaux ont toujours été un grand
obstacle à l’intégration communautaire. Compte tenu de cela ainsi que du fait que
les pouvoirs de l’UE en matière économique se retrouvent dans les mains de la
Banque centrale européenne (BCE), les institutions politiques de l’UE n’ont pas été
en mesure de répondre efficacement à la crise puisque la BCE est indépendante.
Outre le fait que l’UE est une organisation très complexe à comprendre pour le
simple citoyen, la lente réponse de l’UE à la crise a fait en sorte que les gens à
travers l’Europe se sont repliés sur leurs intérêts égoïstes. Ce phénomène s’est
surtout développé dans les pays les plus en difficulté.
La crise économique de 2008 est la pire subie par la construction politique
communautaire européenne depuis sa création. En réaction à celle-ci, on constate
une augmentation des sentiments nationalistes et une montée des partis de
l’extrême droite dans de nombreux pays européens. Pour vous rappeler quelques
exemples, nous n’avons qu’à penser au Front national en France avec leur
présidente, la colorée Marine Le Pen ; à Andres Breivick en Norvège (il est un cas
spécial, mais il a toute de même profité de la macabre tribune qu’il s’est construite
dans les médias mondiaux pour diffuser son message extrémiste et sont incitation à
la violence envers les immigrants) ; au Parti national-démocrate en Allemagne qui
prône haut et fort sur la place publique que les immigrants sont responsables des
crimes et des viols commis dans le pays (2) et, plus récemment, nous n’avons qu’à
penser au parti néo-nazi, l’Aube dorée en Grèce.
La montée du sentiment national n’est pas juste constatée dans des formes
extrêmes, mais l’importante crise de l’Europe aura secoué les populations dans
leurs sentiments nationaux. En Catalogne, les politiques d’austérité de l’UE, mises
en place par le gouvernement espagnol, n’ont fait que mousser le désir
d’indépendance et en a amené certains à devenir ultra-nationalistes. Une situation
similaire s’est produite également en Belgique. Il ne faut pas non plus oublier la
prise du pouvoir en 2010 par le parti Fidesz, un parti nationaliste et
ultra-conservateur, en Hongrie (3). Leurs demandes sont simples : on veut protéger le
petit peuple et combattre la criminalité des immigrés Roms. Puis finalement, les
britanniques sont plus eurosceptiques que jamais étant donné que le premier
ministre Cameron a promis la tenue d’un référendum sur la place du Royaume-Uni
dans l’UE (4). Tout ça pour dire que lorsque le délégué de l’UE, Rafal Lapkowski, dit,
dans un discours prononcé au HEC Montréal durant le Colloque étudiant sur l’Europe
2013, que la crise est finie en Europe, la crise économique possiblement, mais je
doute fortement que la crise sociale ne soit arrivée à échéance.

(1) http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=une_rt_m&lang=en

(2) Info triée du documentaire European Meltdown de VICE, accessible ici :

(3) http://www.forumcivique.org/fr/articles/dossier-est-hongrie-crise-%C3%A9conomique-et-pous
s%C3%A9e-nationaliste-en-hongrie

(4) http://www.liberation.fr/monde/2013/01/23/cameron-embarque-chez-les-euro-sceptiques_87
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