Un échange étudiant pour du changement dans ta routine ! Par Catherine JOUBERT

Il y a un an je partais sans rien ni personne dans un endroit que je connaissais plus ou moins. Aucun plan en tête sauf celui d’aller étudier à l’étranger, dans mon cas à Prague en République tchèque. Partir sans aucun repère peut faire peur, mais procure ce sentiment de liberté tant désiré lorsque la routine et l’habitude de la vie montréalaise prennent le dessus.

Je comptais les jours avant de partir, ne tenant plus en place à cause de l’envie d’aventures, et ce petit stress en moi me disant de foncer vers l’inconnu. Le moment de partir et de laisser les choses derrières moi le temps de quelques mois était bien là.

 

À mon arrivée à Prague, il fallait que je fasse comme tous ces voyageurs et que j’aille à mon auberge. J’y suis restée quelque temps pendant que je trouvais mes repères ; un appartement, le campus de l’école et surtout, des amis. Il va sans dire que n’importe qui voyageant seul dans une autre ville tente de découvrir le plus d’endroits et de gens possible pour agrémenter les moments du séjour. Je ne faisais pas exception à ces choses, mais par contre ce serait pour l’instant de quelques mois que je mettrais en place ce style de vie.

Trouver un appartement et rencontrer des gens : telles étaient mes premières missions. M’immerger dans cette ville de façon plus ou moins permanente était le but. Je me suis alors trouvé un appartement et ensuite je fis la connaissance de mes flatmates. Comme celles-ci étaient aussi étudiantes en échange, elles m’ont accueillie à bras ouvert. Avec tout cela mis en place, de nouvelles aventures m’attendaient.

 

Praha (en tchèque) est magnifique dès les premiers abords. Elle est l’une des seules villes à ne pas avoir été détruite lors de la Deuxième Guerre mondiale, pour l’humble et bonne raison qu’Adolf Hitler voulait faire de la ville entière un musée sur lui-même ; ainsi, pas une seule balle ne toucha Prague. Du coup, on observe une architecture très majestueuse et fort bien entretenue : le Théâtre National est facilement reconnaissable grâce à son toit en or, et le château au-dessus de la colline qui surplombe la vieille ville, sans compter les luxueux appartements qui sauraient aussi vous époustoufler. L’entrée de mon appartement, par exemple, était ornée d’immenses portes en bois pouvant faire passer les chevaux et les calèches. Fait cocasse : un très grand nombre de bâtiments n’ont pas d’ascenseur vu leur ancienneté ; c’était donc une partie de plaisir que de toujours monter et descendre les marches, et ce surtout lorsque vous montez votre épicerie au 4e étage, par exemple ! J’ai rencontré plein de nouvelles personnes, la plupart étant comme moi en échange. Des gens de partout en Europe et des quatre coins du globe partageaient des « pivo » avec moi et enrichissaient mon quotidien. Voilà que je me suis retrouvée avec une vie parallèle à celle que j’avais à Montréal. Pour ainsi dire un chapitre éphémère que j’aurai vécu seulement avec ces gens et à ce moment dans cette ville. Nous le savions tous et ainsi nous tentions de vivre pleinement jour après jour. Certains sont restés plus longtemps, d’autres sont retournés à Prague tandis que quelques-uns ont continué leurs vies comme avant notre arrivée.

 

Cela semble bien comme un voyage à long terme, eh bien oui, c’est un peu ça. On rencontre des gens d’un peu partout dans le monde, on découvre de nouveaux lieux, on voyage ici et là et on s’immerge dans une nouvelle culture. Le fait de rester dans ce pays pour quelque temps est vraiment le point qui distingue le voyage et le fait d’habiter quelque part. Je me suis considérée alors comme étant un hybride entre une touriste et une citoyenne de Prague.
 Chacune des personnes à qui vous parlerez d’un échange étudiant vous dira de simplement de choisir une destination, et de foncer. Les grands voyageurs aussi penserons que c’est une bonne idée que d’aller s’évader le temps d’un an, ou d’un semestre. Ce qui est certain, c’est que vous reviendrez fort probablement transformé et que vous voudrez assurément y retourner.

 

Vue du pont Charles - République Tchèque

Entretien avec Nordin Lazreg. Propos recueillis par Anaïs BOISDRON et Alan VOLANT

Deux de nos journalistes ont rencontré Nordin Lazreg, doctorant en science politique à l’Université de Montréal et membre du REAL (Réseau d’études sur l’Amérique latine). Résumé d’un entretien sur la primauté du droit.

 

L’Amérique latine compte en son sein de nombreuses démocraties plus ou moins jeunes. Certains principes démocratiques, tels que la primauté du droit, ne font pas encore figure de normalité. Pourriez-vous, nous faire une rapide récapitulation de leur processus de démocratisation?

Nordin Lazreg :La plupart des démocraties d’Amérique latine émergent au cours de la 3ème vague de démocratisation commençant au Portugal en 74 (Samuel Huntington). Nous pourrions situer cette vague entre 1979, date à laquelle l’Équateur devient une démocratie, et les années 1990 avec la fin des guerres civiles en Amérique centrale (Nicaragua, Salvador et Guatemala entre 1990 et 1996). Le Chili et l’Uruguay avaient déjà connu quelques brèves années de démocratie supplantées par de longues périodes autoritaires. D’autres pays, comme le Salvador, n’ont en revanche connu que des successions de régimes militaires et autoritaires ; la démocratie y est une totale nouveauté. Trois États d’Amérique centrale et du sud étaient des démocraties stables bien avant 1979 : la Colombie, le Venezuela (1958 dans les deux cas) et le Costa-Rica (1949-1953). Mais même dans ces vieilles démocraties, l’arène politique a parfois été fermée aux acteurs de gauche. Le parti communiste, par exemple, était interdit au Costa Rica jusqu’en 1975. En Colombie, l’inclusion de la gauche dans la vie politique est récente et encore incomplète. Aujourd’hui, on peut dire que l’Amérique latine est une région globalement démocratique. Il y a des élections régulières, transparentes, compétitives. Il y a des alternances au pouvoir. Le virage à gauche dans des pays où celle-ci a longtemps été réprimée et marginalisée me semble révélateur des progrès accomplis. Ceci dit, si certains pays sont très démocratiques et stables (Chili, Uruguay), d’autres ne sont pas à l’abri de relents autoritaires. Les récents coups d’État au Honduras (2009) et au Paraguay (2012), et la violence politique encore présente dans certains pays (Guatemala, Colombie), nous montrent que les règles du jeu démocratiques ne sont pas toujours pleinement intériorisées par les acteurs politiques.

 

Quelle définition donneriez-vous de la primauté du droit ?

N.L : La primauté du droit serait la théorie selon laquelle personne ne peut se soustraire à la loi. Le droit protège d’une gouvernance arbitraire, de décisions arbitraires, il est supposé être égalitaire, applicable à tous.

 

Affirmeriez-vous que la primauté du droit est, à ce jour, un principe appliqué en Amérique latine ?

N.L : Non, je ne dirais pas ça, loin de là. Cela dépend du pays et de son niveau de consolidation démocratique. Il y a deux extrêmes. D’un côté nous avons le Chili, l’Uruguay et le Costa-Rica qui sont trois démocraties stables et consolidées. Les problèmes rencontrés pourraient être similaires à ceux éprouvés au Canada, aux États-Unis ou en France. En revanche la seconde extrémité regrouperait le Honduras, Paraguay, et Venezuela dans lesquels la consolidation démocratique est plus faible. Dans ces cas, les règles de droit s’appliquent peu ou de façon inégale, selon ce que l’on souhaite en faire.

 

Est-ce que le principe de primauté du droit n’est pas qu’un paradigme utopique ? Même dans les démocraties les plus vieilles, des gens arrivent parfois à se soustraire au droit et cela reste légal, existe-t-il des ordonnances, des manières de le contourner ?

N.L : Le droit est complexe, il y aura toujours des contradictions en son sein. Certes, il y a la règle, mais il y a également l’esprit, la pratique au quotidien. Le droit peut être instrumentalisé pour des intérêts particuliers qui peuvent être contraires à l’objectif démocratique. Dans le cas de l’Amérique latine, le droit peut être utilisé pour bloquer toute possibilité de procès pour les violations des droits de l’Homme commis durant les années sombres. Le droit est alors utilisé à mauvais escient. Récemment en Colombie, le procureur Alejandro Ordoñez, un catholique conservateur proche de l’ancien président de droite Alvaro Uribe, a décidé de destituer le maire de Bogota, qui lui est à gauche (ancien membre de la guérilla du M19, guérilla reconvertie en parti politique), bien que celui-ci ait été élu démocratiquement. Le maire avait fait passer la gestion des ordures du privé vers le public ce qui a entrainé des problèmes de gestion pendant quelques jours. Il a été destitué et condamné à 15 ans d’inéligibilité pour mauvaise gestion des affaires publiques et violation du principe constitutionnel de liberté d’entreprise et de libre concurrence.

 

Un jugement a-t-il eu lieu, était-ce arbitraire ?

N.L : C’est ce qui se dit même si la décision était apparemment légale. Il s’agit ici d’une décision administrative. Un appel a eu lieu, mais auprès de ce même procureur ! Ce dernier n’est évidemment pas revenu sur sa décision. Dans ce cas, la règle de droit est utilisée à l’encontre de la souveraineté populaire. Mise en perspective avec l’actuel processus de paix, la destitution du maire, qui n’est pas un évènement isolé, n’est pas un très bon signe. En effet, ce même procureur a déjà destitué 200 fonctionnaires, maires, élus locaux, souvent d’opposition. Le seul maire d’une grande agglomération qui n’a pas été destitué a une réputation de corruption n’étant plus à faire. La droite ultra conservatrice fera tout pour empêcher l’inclusion des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) d’intégrer la vie politique nationale en parti légal. On s’aperçoit assez bien de l’instrumentalisation du droit dans cet exemple précis.

 

Voulez-vous dire qu’ici on va plus loin que le simple fait de contourner l’esprit du droit, on l’instrumentalise pour aller à l’encontre de la démocratie…

N.L : C’est effectivement ainsi que je vois les choses. Le litige territorial entre la Colombie et le Nicaragua en 2012 fait également figure d’exemple. La décision de la Cour internationale de Justice, même si elle cherche le compromis, est plutôt favorable au Nicaragua qui gagne une large zone territoriale en mer. En réponse à cela, la Colombie s’est retirée du traité de Bogota (1948), qui reconnaissait la légitimité de la Cour internationale. En sortant du traité, le droit ne s’applique plus. C’est une façon de dire qu’ils ne reconnaissent plus la primauté du droit car elle va à l’encontre de leurs intérêts.

 

Ne pourrions-nous pas dire que les gens « s’en foutent » de la primauté du droit ?  « Du pain et des jeux » comme disait Marc-Aurèle. Que représentent les principes face à leurs fils qui se font descendre dans la rue ? C’est un luxe…

N.L : Le contexte socio-économique, que ce soit la violence urbaine ou des inégalités sociales, peut favoriser l’effondrement du principe de primauté du droit. Á partir du moment où le gouvernement est peu efficace pour lutter contre l’insécurité ou les inégalités, les citoyens commencent parfois à regretter la période autoritaire qui pouvait apporter richesse et sécurité, malgré la répression politique et le manque de liberté. Lorsque le résultat est là, les citoyens sont parfois moins regardants sur la manière. Au Venezuela, les inégalités ont diminué mais cela s’est fait parallèlement à un affaiblissement des institutions démocratiques et de l’État de droit.Je pense qu’en Amérique latine le droit ne s’applique pas à tout le monde. Or, la primauté du droit est valorisée par les citoyens si le droit est perçu comme s’appliquant à tous. On voit clairement qu’en Amérique latine, le droit ne s’applique pas à tout le monde de la même manière. Il est parfois considéré comme l’instrument des puissants, des riches, de l’élite, pour promouvoir leurs intérêts. Il faut aussi se demander qui a fait le droit et de quand celui-ci date pour mieux comprendre sa primauté. Par exemple, les règles de droit héritées des régimes autoritaires ne sont pas nécessairement perçues comme légitimes par une partie de la population.

 

Le microcrédit : quand même la solution miracle a ses problèmes. Par Alan VOLANT

Souvent cité en exemple lorsque l’on évoque les politiques de développement, le microcrédit se trouve désormais avoir une réelle importance, et ce pour des millions de foyers à travers le monde. Lancé dans le courant des années 1970 par Muhamad Yunus au Bangladesh, le succès de la démarche 40 ans plus tard ne s’est que peu démenti, et ce malgré les vices cachés que peut dissimuler le concept.

Simple et partant d’une bonne intention, il s’agit de permettre à des populations sans accès au crédit de pouvoir se financer dans le but de développer une activité économique au niveau local. Il faut ici comprendre que financer sa petite entreprise de briques n’est pas aussi simple que d’aller voir sa succursale à Montréal pour lui demander une carte de crédit. Scandale (à raison) diront certains, surtout lorsque que l’on connait les sommes en jeu pour ce genre de crédit. La situation n’est cependant pas exempte de justifications. Force est de constater que les établissements bancaires ne sont pas légions dans la brousse guinéenne (les populations urbaines en Afrique subsaharienne sont deux fois plus susceptibles de détenir un compte en banque que les ruraux), et si tant est que l’on ait accès à une banque, faut-il encore être solvable et que cette dernière accepte de prêter une centaine de dollars avec tous les frais qui en découlent pour elle. C’est dans cette perspective que le microcrédit prend donc tout son sens.

S’inscrivant dans une certaine mesure à la mouvance du « social business », les produits financiers fournis par les IMF (instituts de microfinance) sont toutefois soumis à certaines critiques. On ne peut par exemple que déplorer le fait que certains IMF ont fait preuve de méthodes à la limite de la moralité. On a vu dans le cas la société indienne SKS de véritables cas de harcèlements moraux, allant jusqu’au suicide de clients acculés par des établissements ayant autant la fibre sociale que des cadres de Goldman Sachs. Ceci est sans compter que certaines d’entre elles ne sont en réalité que la face visible d’activités mafieuses gérées par des usuriers. Ce genre de comportement est d’autant plus indigne que le but originel du microcrédit est de donner les moyens aux plus pauvres de se sortir de la misère et non, bien évidemment, de les exploiter un peu plus au nom du rendement du capital ou du simple appât du gain.

Qu’en est-il alors de l’Afrique, et plus particulièrement de l’Afrique de l’Ouest, terre qui aurait, entre autres, plus que besoin d’investisseurs étrangers qui fassent confiance aux populations locales. Pour tout dire, les chiffres du continent restent assez en marge de ce que sont les chiffres asiatiques. Alors que la zone Asie de l’Est-Pacifique représentait en 2010 34% du marché des IMF (pour 18.5 milliards de dollars), l’Afrique, elle, ne représente que 7% (cette fois pour 5.5 milliards de dollars) de ce marché pourtant encore promis à un bel avenir. Cette constatation est d’autant plus regrettable que le microcrédit n’est pas seulement une invention avec des vertus économiques, mais aussi un outil pouvant être utilisé pour émanciper des populations plus ou moins opprimées. À ce titre, on ne peut qu’être satisfait de constater que ce sont, dans les pays du tiers-monde, les femmes qui sont les premières bénéficiaires de ce modèle de développement.

Vous l’aurez sans doute compris, cet article traite plus de ce qu’est le microcrédit que de son sort en Afrique. Mais en comprenant simplement certains ressorts de ce processus, d’autres choses apparaissent : qu’il n’y a pas que dans l’assistance et don que peut résider le salut des peuples africains et que le capitalisme, s’il est utilisé de manière responsables, peut encore être utile au développement. Il semble aussi évident lorsque l’on voit le succès de la démarche, que réside sur le continent une véritable volonté de réaliser et d’entreprendre afin de sortir d’un certain assistanat, qui pour sûr érode d’année en année un peu plus la fierté des Africains.

En guise de conclusion, je vous laisse méditer sur ce fait surprenant après avoir parlé de pauvreté et de développement : le Québec dispose de 23 établissements proposant des microcrédits. La raison d’un tel succès en plein Occident  peut se lire sur le site du gouvernement québécois pour le crédit communautaire : « Il ne faut pas oublier qu’il y a partout, même au Québec, des exclus de la société, des gens qui, au sens littéral du terme, sont défavorisés ».

Sans titre