J’ai honte

Parfois je me demande si je suis bien consciente de ce qui se passe autour de moi. Nous avons passé le printemps arabe il y a maintenant un an et aujourd’hui, nous sommes dans le printemps « érable ». Chapeau à la personne qui a trouvé ce beau jeu de mots, mais je suis tellement désolée pour elle aussi… nous sommes soi-disant dans un pays démocratique, mais le gouvernement est incapable d’entendre ses contribuables. Oui ses contribuables, car oui, nous étudiants, payons aussi des impôts, travaillons et ce, pour réussir à payer nos études.

Une hausse de 75% des frais de scolarité a été mentionnée. Ben oui, c’est facile de l’imposer une fois que l’on a fini ses études et qu’on est sur le marché du travail, mais lorsqu’on souhaite suivre notre rêve et surtout réaliser notre rêve, c’est une autre histoire! Je suis en science politique, cela fait deux ans que je sais que je voulais être dans ce programme afin de pouvoir réaliser mon rêve : être journaliste, mais aussi afin de mieux comprendre la société dans laquelle je vis. Et bien, quelle belle première année pour comprendre ma société, j’en ai presque honte. Je ne suis pas admissible au programme de prêts et bourses du gouvernement, car mes parents « gagnent trop », mais mes parents ne peuvent pas pour autant me payer mes études : trois enfants à la maison, une hypothèque et des frais pour deux déménagements. Je n’écris pas pour qu’on ait pitié de moi, je sais que plusieurs autres doivent être dans une situation pire que la mienne, mais la jeunesse n’est pas censée être l’avenir de demain?

Si la hausse passe, nous serons dans une société tenue par des gens riches, qui auront eu l’avantage d’aller faire leur étude, car ils auront eu les moyens financiers. Sérieusement, je préfère être soigné par un médecin compétent que par un médecin qui a simplement réussi à payer ses études. Je ne dis pas que les personnes plus nanties ne sont pas compétentes, mais je tiens à dire que tout le monde a le droit d’exercer le métier qu’il souhaite, riche ou moins riche.

Je l’avoue et je n’ai pas honte de le dire : j’ai voté contre la grève lors de ne première assemblée générale pour le vote de grève du 22 février dernier. Aujourd’hui, je ne peux pas dire que je suis complètement pour la grève, mais je suis fière d’être dans une association qui se bat pour respecter ses choix, qui se bat pour permettre le droit à l’éducation et qui agit démocratiquement. Il y a bien sûr des côtés négatifs comme partout et je ne suis pas tout à fait en accord avec les choix qui sont votés, mais une dernière chose est à dire : Le gouvernement québécois devrait prendre exemple sur notre association étudiante et agir démocratiquement; en arrêtant de se borner à leur idée, en écoutant les 200 000 manifestants du 22 mars dernier et en annulant la hausse des frais de scolarité!

Salomé Vallette

Pourquoi occuper la Place Laurentienne?

Par Laurence Campeau

Près d’un mois après les premiers jours de grève, c’est plus de 20 000 étudiant-e-s qui sont toujours en mandat de grève à l’Université de Montréal. Progressivement, les étudiant-e-s réalisent que le débat, initialement centré autour de l’augmentation des frais de scolarité, dépasse de loin la simple question d’accepter de payer ou non les 1625$ de hausse que le gouvernement nous impose. Bien au-delà de la question des frais, le fonctionnement des universités et leur rôle dans la société doivent être questionnés.

Alors que les universités se mettent de plus en plus au service de l’industrie plutôt qu’à celui de la transmission du savoir, il est primordial d’élargir le débat sur la hausse des frais de scolarité et de remettre l’éducation au cœur de la mission des établissements d’enseignement.

Lançons un message clair : l’université doit être un espace citoyen et non une usine à diplômes, ce que semble oublier l’administration alors qu’elle tente de réprimer notre mouvement par différentes tactiques toutes plus déplorables : campagne de peur, censure et remise en question de la démocratie étudiante.

Pour rappeler que le partage des connaissances et l’éducation universelle devraient être la mission fondamentale des universités, osons se réapproprier l’espace universitaire pour en faire non seulement un lieu de résistance, mais aussi un lieu de rassemblement et d’échange entre les différentes associations étudiantes.

Puisque le gouvernement mise sur l’essoufflement de notre mouvement, quelle meilleure manière de démontrer que loin de s’amenuiser, le mouvement prend racine?

La place Laurentienne nous appartient. Occupons-la. Rebaptisons-la.

Demain, 15h, nous piquerons nos tentes pour démontrer notre opposition à la privatisation de l’espace et à la marchandisation de l’éducation. En espérant vous y voir.

Ensemble, nous regarderons le froid se transformer en printemps. En printemps étudiant.

Vers la gratuité scolaire : Libellé de proposition

Jean-Pascal Bilodeau

1.

Considérant,

Qu’il est temps pour le mouvement étudiant de quitter le terrain défensif pour le terrain offensif, de cesser de simplement empêcher les reculs pour promouvoir les avancées sociales, bref, de prendre l’initiative.

Rappelant,

Que les Noirs n’ont pas été raisonnables lorsqu’ils ont décidé d’occuper les places réservés aux Blancs,

Que les femmes n’ont pas été raisonnables lorsqu’elles sont brulé leurs brassières pour réclamer leurs droits et mettre fin aux inégalités de genre, inégalités qui subsistent encore,

Que les mouvements anti-coloniaux n’étaient pas raisonnables lorsqu’ils ont voulu chasser le colonisateur et prendre en main leur destin,

Que les ouvriers n’étaient pas raisonnables non plus lorsqu’ils se sont unis pour éliminer la misère du travail sous-payé et dégradant,

Que les étudiants n’étaient certainement pas raisonnables, aux yeux de notre bien-pensante société lorsqu’ils ont voulu démocratiser le savoir,

Qu’au fond, tous les mouvements sociaux victorieux n’étaient pas raisonnables lorsqu’ils contestaient le pouvoir établir,

Qu’il est par conséquent temps pour chacun d’entre nous de cesser d’être «raisonnable» et d’être «obéissants» pour prendre la place qui nous revient de droit,

Qu’il est temps de prendre en main notre avenir et de construire la société de demain,

Et qu’ainsi, nous devons transformer le dégel en printemps.

2.

Rappelant, 

Que selon l’article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ratifié par le Canada :

«L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité scolaire.»

 Rappelant que la Déclaration des droits de la femme et de l’homme, l’éducation est un droit inaliénable de l’être humain.

Considérant que l’éducation est un outil privilégié de la mobilité sociale, qu’elle devrait toujours être conçue dans une perspective de construction de l’être humain et que son objectif principal devrait être son épanouissement et son bonheur,

Considérant que tout véritable savoir est émancipateur,

Considérant que l’éducation n’est pas une marchandise et que notre grève n’est pas un boycott,

Considérant que l’éducation n’est pas une valeur économique mais une valeur en soi,

Qu’il convient ainsi de décoloniser notre imaginaire et de briser les chaines mentales dans lesquelles ou nous tient,

Qu’il faut ainsi placer le débat actuel dans son contexte plus large d’économie du savoir et de marchandisation de la connaissance,

 Que par le fait même le cloisonnement des savoirs constitue une élitisation anti-démocratique,

 Que par conséquent, nous devons non pas rester sur des revendications partielles mais proposer une véritable vision de la société québécoise,

3.

Considérant,

Que si autant de grèves étudiantes ont eu lieu, c’est que le problème ne se règle pas,

Considérant que plusieurs études ont affirmé la faisabilité de la gratuité scolaire et on évalué ses coûts à entre 900 millions et 1,22 milliard de dollars,

Que cela ne constitue, dans le scénario d’une instauration échelonnée sur 10 ans, que 0,2% de plus par année de l’enveloppe budgétaire du gouvernement et qu’une augmentation de 10% du budget du ministère de l’éducation,

 Que cela représente 211$ par contribuable,

Considérant que certains États ont déjà atteint cet objectif, démolissant l’argument de «l’utopie irréaliste»,

Que contrairement à un autre argument, leurs diplômes valent encore des bons emplois. Que plus encore, les États dont le diplôme ne vaut plus rien sont ceux dont le système est à deux vitesses, reproduisant les iniquités sociales, ou ceux victimes de plusieurs années d’austérité,

Considérant qu’en Angleterre le passage de la gratuité scolaire à des frais démesurés en l’espace de 10 ans a été désastreux pour la mobilité sociale, la liberté du peuple anglais et que cela n’a, pour ajouter l’injure à l’insulte, même pas équilibrer les dépenses des Universités,

Que les immenses ressources du Québec sont amplement suffisantes pour financer la gratuité scolaire,

Que les luttes se gagnent pas à pas, par victoires arrachées, et qu’une position prise démocratiquement constitue un premier pas dans cette direction,

Que bien que cette lutte doive se mesurer à l’aune d’une longue bataille, elle doive être entreprise maintenant,

Que, pour paraphraser Camus, «l’unique manière de préparer l’avenir, c’est de tout donner au présent»,

Considérant tout cela et bien plus encore,

Je formule la proposition suivante :

 Que  l’AESPEIUM se positionne contre toute hausse des frais de scolarité, dans une perspective de gratuité scolaire.